Dans mes articles précédents j’ai tenté de décrire la difficulté que j’ai éprouvé dans ma recherche d’appui auprès des institutionnels pour favoriser la reprise d’une entreprise en difficulté mais à réel potentiel.

J’ai montré comment, sans jamais critiquer bien au contraire mon projet pour l’entreprise manifesté par son Business plan et mes présentations successives, le parcours s’est trouvé être un parcours s’inspirant d’un marathon dans le brouillard.

Des gens et des instances presque toujours cordiaux et positifs, mais dont les fonctionnements, la faible connaissance de l’entreprise, l’incapacité à dire oui ou non ou dire qu’ils ne peuvent pas, la limitation peu claire de leur liberté d’action, le manque de transversalité font qu’au global l’énergie et le temps passé auprès d’eux sont importants mais avec un rendement faible si ce n’est négatif.

Pour moi, ayant malgré l’appui de fonds d’investissements, la nécessité d’un appui des institutionnels pour boucler le financement de l’entreprise de manière suffisante à assurer sa relance, cela a abouti au renoncement au projet.

La situation de l’entreprise étant difficile, le seul examen de l’extérieur des comptes des années passées ne suffit pas, loin de là, à croire au potentiel celle-ci malgré son passé glorieux. Seule mon immersion plusieurs mois dans l’entreprise a pu me conférer la certitude des possibilités de redressement et m’a permis de vérifier la capacité de l’entreprise et de son personnel à absorber et porter les actions nécessaires à ce redressement.

Il est donc peu pensable qu’un autre repreneur lui assure une suite. Sauf à démanteler pour le compte d’un concurrent.

Un gros gâchis probable donc.

Gâchis humain car 30 personnes risquent de se retrouver sans emploi dans une période et une région ou les chances qu’ils ont d’en retrouver sont assez faibles.

Gâchis industriel car perte d’un vrai savoir-faire devenu rare et très possible à mettre en phase avec les évolutions en cours de la société.

Gâchis financier, car pour ne pas prendre à temps la décision de donner 300 000 € en avances remboursables pour permettre la reprise, la grande probabilité si l’entreprise ferme ses portes est que cela coute à ces mêmes institutionnels plus de 5 millions d’euro sur 5 ans répartis entre les coûts de fermeture, les coûts du chômage, les manques à gagner en charges et impôts divers.

Aurait-on pu faire autrement ?

Je le crois.

D’abord de mon côté :

J’aurais compris plus tôt l’écart de culture et la difficulté d’orchestration des aides institutionnelles à l’entreprise, j’aurais peut-être construit mon projet sans ces aides. Comptant en priorité sur l’appui des fonds d’investissement.

Ceux-ci, réactifs m’auraient sans doute amené à rechercher ces aides et appuyé pour les obtenir.

Au lieu de cela j’ai considéré ces aides comme préalables.

Probablement erreur de néophyte que je ne recommencerai pas !

Du coté des institutions :

Chacune de ces institutions a une raison d’être, est porteuse d’un appui possible. Mais comme je l’ai dit plus haut, beaucoup manquent à l’évidence d’une véritable compréhension des enjeux de l’entreprise, du rythme de réactivité nécessaire, de la capacité à s’engager clairement.

Savoir dire Oui ou Non !

C’est un point majeur. Oui, je peux vous aider. Non, je ne peux pas vous aider. Pas grave de refuser ! Le Oui aide énormément, mais le Non rapide aide énormément car il fait gagner du temps.

Tant pis, si dans certains cas l’on aura dit non à un projet viable. Tant pis si dans certains cas on aura dit oui à un projet qui capotera. Savoir décider, décider vite et prendre ses responsabilités. Le gain sera supérieur aux inconvénients.

Etre dans le rythme de l’entreprise !

Dans l’entreprise, tout est question de rythme.  Sortir un produit 15 jours trop tard et c’est tuer le produit. Payer les salaires 1 journée trop tard et c’est le doute et le ressentiment qui s’installe. Répondre à un appel d’offre 1 journée trop tard et c’est tout un travail réalisé pour rien.

Dans une entreprise en difficulté, laisser le temps passer sans visibilité et ce sont les clients qui peu à peu d’organisent pour partir ailleurs. C’est laisser le personnel se désespérer et gâcher son énergie en « gamberges ».  C’est perdre la confiance des fournisseurs. C’est se mettre à la merci de deux mois difficile et retrouver l’entreprise en trésorerie négative obligée de mettre la clé sous la porte.

Mais ce rythme ne semble pas être dans les « gènes » institutionnels. Plusieurs semaines ou même mois pour organiser une réunion. Des réunions non sécurisées et reportées au dernier moment. Des systèmes d’échanges d’information très peu robustes qui nécessitent la conversion des fichiers, leur envoi fractionné, leur duplication dans des systèmes informatiques ou les interlocuteurs ne vont même pas les chercher. Des interlocuteurs et intermédiaires changeant dont le rôle n’est pas exprimé, dont parfois le nom n’est même pas nommé – « Direction xxx ! ». Grande difficulté à avoir une relation directe !

Tout ceci crée des pertes de temps et d’énergie et cumule les insécurités sur le message transmis et la capacité à le traiter.

Connaître l’entreprise :

C’est peut-être ce qui manque le plus. La connaissance de l’entreprise de l’intérieur. Qui permette justement d’en connaître et comprendre les enjeux.

Un chef d’entreprise est un homme-orchestre qui doit jongler avec toutes les problématiques de l’entreprise. Gestion des hommes, gestion commerciale, pilotage industriel, finance, connaissance des règlementations, des normes et qui n’a que très peu droit à l’erreur car le dérapage est immédiat et la sanction tombe, économique, juridique, fiscale, humaine.

C’est cela qui imprime le rythme. C’est cela qui implique la nécessité de décider rapidement, de savoir dire si c’est oui ou non. C’est cela qui imprime le fait de savoir assumer les conséquences.

Cela se lit dans les bouquins, on peut s’en faire une idée en côtoyant les entreprises, mais on cela ne s’apprend réellement que dans l’entreprise et cela ne s’intègre ensuite que par l’expérience. Expérience que ne pourront jamais avoir des personnes qui n’ont rencontré l’entreprise que de l’extérieur.

Alors, que faire donc ?

Chacun son rôle et ses capacités. Un fonctionnaire spécialiste de l’appui économique aux entreprises n’est pas un acteur privé de l’entreprise. Il ne peut en intégrer toute l’intime compréhension.

Il me semble cependant que deux axes d’action seraient possibles :

  1. Un chef de projet pilote et coordinateur du soutien aux entreprises.

Il devrait être issu de l’entreprise et y avoir fait une longue carrière. Il devrait s’être frotté à de nombreux domaines, de nombreux métiers, et avoir intégré les multiples aspects de fonctionnement des entreprises modernes. Conduite de projet / Résolution de problèmes / Pilotage de performance / Elaboration d’une stratégie / Conduite d’un plan d’action / Action de crise / Elaboration d’un business plan …

C’est lui qui devrait avoir le premier contact de l’entreprise et piloter ensuite tout son plan d’appui. C’est lui qui, après première étude va pouvoir décider de l’opportunité et du type d’action à mener.

C’est lui qui devrait mettre en contact avec les acteurs institutionnels ad hoc et piloter l’action commune.

Pour cela, il doit avoir réalisé et négocié avec les différentes institutions (Etat /Mandataires / Administrateurs/ Dirrecte / CCI / OPCA / Conseil général / Conseil régional …) des chartes de coopération. Il doit avoir finalisé avec eux les rôles et responsabilités de chacun de manière à ce qu’il n’y ait pas de recouvrement ou seulement des recouvrements assumés et qu’il n’y ait pas de zones d’ombre. Il doit avoir défini des standards d’intervention normés afin que chacun les partage et soit le plus efficace dans l’action. Il assurera la transparence et la mise à la connaissance de tous de ces modes de fonctionnement.

Sans doute cela devrait-il être la fonction des CCI que d’assumer ce rôle. Mais le font-elles vraiment ? Les critères de recrutement sont-ils adaptés à de telles missions ? Y a-t-il évaluation de la performance de réalisation des missions ? Ne faut-il pas le faire évoluer ?

Bien sûr de telles personnes seront chères, mais il n’est pas question de les multiplier mais de disposer d’une très forte compétence porteuse de projet et qui délèguera  le plus possible aux autres personnels et aux correspondants dont il supervisera et assumera l’action.

  • Stage des institutionnels en entreprise – 6 mois tous les 5 ans

Ce stage s’adresserait à tous les acteurs institutionnels en lien et au service de l’entreprise

Ces personnels quel qu’en soit le niveau, interviendraient en tant que stagiaires en entreprise. Ils y auraient alors une réelle utilité et intègreraient alors la réalité des fonctionnements hiérarchiques et organisationnels de l’entreprise. Ils seraient rémunérés comme tels avec un complément de salaire maintenu par l’administration.

Les entreprises ou ils interviendraient devraient être des entreprises sélectionnées, références en leur domaine et largement engagées dans la compétition économique afin de garantir en elles la présence d’un système managérial et formateur et d’une adaptabilité permanente.

Il me semble qu’en ne mettant en œuvre que ces deux seules propositions, l’on gagnerait fortement en efficacité de la collaboration entreprise / institutionnels et pour le bien de tous.

On gagnerait aussi en intérêt du travail effectué et en meilleure compréhension réciproque.

Supprimer toutes les aides aux entreprises :

Ce serait une autre solution possible. En réduisant d’autant les charges de celles-ci. Elles retrouveraient de l’air par rapport à la concurrence internationale et s’adapteront d’elle mêmes aux nécessités du marché.

Je crains que cette proposition ne soit un peu iconoclaste et bien entendu irréalisable sur un court terme. Alors que celle précédemment suggérée peut-être très immédiatement testée dans une région avant d’être généralisée si elle fonctionne.

Citation : « Chacun de nous est responsable de tout devant tous.  » – Fiodor Dostoïevski